Par Dorine HOUNKPE – Comité Social et droit des consommateurs
Au Bénin, c’est le décret N°73-293 du 15 septembre 1973, portant régime pénitentiaire qui organise les prisons du Bénin. La typologie, l’organisation interne et externe des prisons, la gestion des structures intervenant dans les établissements pénitentiaires retiendront notre attention le long de cet exposé. A l’occasion, nous analyserons au fur et à mesure des développements, les dysfonctionnements remarqués dans la pratique
1. CARTE PENITENTIAIRE DU BENIN
Aux termes de l’article premier du décret portant régime pénitentiaire au Bénin, l’Administration pénitentiaire est placée sous l’autorité du Ministère de la Justice. Avant de parler de la carte pénitentiaire du Bénin, nous développerons d’abord quelques termes.
Le terme Prison désigne un établissement pénitentiaire appelé à recevoir que des condamnés, c’est-à-dire des personnes dont la peine à purger est connue.
Les autres personnes incarcérées pour raison d’enquêtes et dont la procédure n’est pas totalement bouclée (éléments à charge et à décharge non encore réunis pour prononcer une sanction) sont dans des Maisons d’arrêt. Ainsi, une Maison d’arrêt reçoit des prévenus dont la décision de justice n’est pas encore connue.
Au Bénin, le système pénitentiaire est ainsi organisé :
- deux (02) prisons : la Prison de Cotonou (créée par le décret N°73-293 du 15 septembre 1973) et la Prison de Missérété (créée plus tard et qui doit héberger une partie des détenus jugés par le Tribunal International Pénal d’Arusha) ;
- neuf (09) maisons d’arrêt, soit une maison d’arrêt auprès de chaque Tribunal de Première Instance (TPI) : Cotonou, Porto-Novo, Calavi, Ouidah, Abomey, Lokossa, Parakou, Kandi et Natitingou.
La Prison de Cotonou sert en même temps de maison d’arrêt.
2. CAPACITÉS DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES
La plupart de ces établissements date du temps colonial et disposent de ce fait d’une capacité d’accueil très limitée. Les travaux de réhabilitation initiés dans le but de parer aux mauvaises conditions de détention sont loin de combler les attentes de modernisation et d’humanisation.
L’organisation des prisons au Bénin ne répond aucunement aux normes de modernisation car les maisons d’arrêt se sont transformées en prison et les bâtiments hébergent un très grand nombre de prisonniers ou détenus, la plupart dormant dans des conditions inhumaines. Dans des bâtiments exigus, les prisonniers sont disposés en rangée dans des cartons et souvent en quinconce.
3. ORGANISATION INTERNE DES PRISONS BÉNINOISES
La discipline intérieure dans les prisons du Bénin est organisée par le décret N°73-293 du 15 septembre 1973, portant Régime Pénitentiaire. Aux termes de ce décret la surveillance des détenus est exercée par un poste d’agent de surveillance, renouvelé suivant les besoins et dont le Chef prend toutes les mesures pour exécuter les consignes établies par le Régisseur conformément au règlement intérieur.
Dans les prisons du Bénin qui sont des prisons mixtes, c’est-à-dire où sont détenus des femmes et des hommes y compris les mineures des deux sexes, les prévenus devraient être séparés des condamnés, chaque catégorie étant logée dans un bâtiment à part. Malheureusement, ce n’est pas le cas depuis plusieurs années.
Selon les dispositions de l’article 16 du décret, à la maison centrale de Cotonou, les condamnés exécutant une peine supérieure à 5 ans de prison devraient être logés dans un bâtiment complètement isolé des autres condamnés.
Dans chaque catégorie, (prévenus, condamnés), les détenus de chaque sexe sont complètement et constamment séparés. Les détenues mères peuvent conserver leurs enfants, s’ils sont âgés de moins de quatre ans. La surveillance du quartier des femmes est assurée autant que possible par un agent du sexe féminin. En tout cas, aucun fonctionnaire de sexe masculin ne doit pénétrer dans le quartier des femmes sans être accompagné d’une personne de sexe féminin.
L’article 18 du décret stipule que les détenus mineurs sont séparés des détenus majeurs.
Par ailleurs, l’article 29 du décret sous examen précise que tout trafic de vivres, boissons etc. … entre détenus est formellement interdit. Les mesures à prendre pour faire respecter cette disposition incombent au régisseur. Par contre, les détenus peuvent être mis à contribution lorsqu’il s’agit de laver et de désinfecter régulièrement les locaux de la prison (art. 30 du décret). Les visiteurs sont admis à s’entretenir avec les détenus dans un parloir spécialement aménagé à cet effet et en présence d’un agent de l’établissement (art. 37 du décret). En pratique, les détenus reçoivent autant de visite qu’ils le souhaitent. Cependant des pratiques peu recommandables ont cours dans les prisons au point de priver certains détenus des visites qui sont les seules occasions pour eux de discuter avec parents, avocats et autres agents sociaux.
Tout d’abord, pour pouvoir recevoir des visites, chaque détenu doit faire établir des photographies d’identités qui doivent figurer dans un registre. Ces frais sont en principe à la charge de l’Etat mais c’est une responsabilité jamais assumée. En conséquence, ces frais reviennent à la charge des détenus eux-mêmes. Le coût de la photographie appelé « frais de photos » au sein de la prison est de 5000 Francs CFA (selon l’ordonnance n° 72-02 du 10 février 1972), ce qui prive nombre de détenus de leur droit de visite.
Le régisseur d’un établissement pénitentiaire au Bénin devrait se conformer à un minimum de règles fixées par le décret N°73-293 du 15 septembre 1973, portant Régime Pénitentiaire. Il est en outre appelé à gérer les différentes structures qui interviennent dans les prisons pour ainsi maximiser les bénéfices à tirer pour la vie des détenus.
4. GESTION DES STRUCTURES INTERVENANT DANS LA PRISON
Dans une prison interviennent des structures telles que le greffe, la brigade pénitentiaire, l’infirmerie, les ONG et les assistants sociaux, …
Le greffe peut être considéré comme le secrétariat de la prison où il est tenu entre autres les registres d’écrou des prévenus, des condamnés, des visites médicales et des visites.
La brigade pénitentiaire, c’est l’ensemble des gendarmes détachés auprès du Ministère de la Justice pour assurer la garde et la surveillance des personnes détenues, sous la supervision du régisseur. On note un nombre très insuffisant de gardiens de prison au Bénin au regard de la population carcérale.
L’infirmerie est la structure médicale qui s’occupe de la santé des détenus. Une bonne gestion de cette structure permettrait de garantir de meilleures conditions de détention aux prisonniers. Il s’agit d’affecter un effectif suffisant d’agents de santé à la prison et de leurs donner les moyens de réagir aussi rapidement et efficacement aux manifestations de maladies parmi les détenus.
Les ONG sont des intervenants externes qui apportent leur soutien à l’amélioration des conditions de vie des détenus. Les ONG n’ont pourtant pas un accès systématique dans les prisons.
Les assistants sociaux sont mis à la disposition du Ministère de la Justice par le Ministère de la Famille pour s’occuper des détenus mineurs. Ils suivent leurs dossiers et s’impliquent dans leur réinsertion sociale.
Le régisseur doit collaborer étroitement avec toutes ces structures pour réussir une bonne gestion administrative et organisationnelle de la prison. Il y va de l’intérêt des prisonniers qui ont besoin des services de toutes ces structures pour jouir d’une détention paisible. Une bonne politique de communication, de concertation et de responsabilisation des différentes parties prenantes serait le gage de l’amélioration des conditions de détention des prisonniers, et donc de l’optimisation du système pénitentiaire entier.