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par Harmonie ADANMAYI – Comité Santé

La capacité pour un couple à procréer est une préoccupation majeure des humains et un élément important de santé publique. Même si des progrès considérables ont été réalisés dans ce domaine, les événements liés à la reproduction ont toujours une importance sociale non négligeable dans la culture Africaine. L’infertilité du couple est considérée comme une fatalité et est la première cause de mésentente conjugale ou de divorce. L’infertilité de l’homme est de découverte récente, autrefois seule la femme était incriminée dans l’infertilité du couple.

L’infertilité masculine est à l’origine de plus d’un tiers des infertilités du couple. Elle est en relation avec une altération quantitative et ou qualitative du sperme (liquide séminal et spermatozoïdes), d’origine congénitale ou acquise. On parle classiquement d’infertilité seulement après douze mois de rapports sexuels normaux en fréquence et en qualité, sans contraception au sein d’un couple vivant régulièrement ensemble. Elle est d’origine masculine dans 20 % des cas, d’origine féminine dans 30 % des cas et d’origine mixte dans 40 % des cas. Aucune cause n’est retrouvée dans 10 % des cas. On parle : – d’infertilité primaire quand il n’y a jamais eu de grossesse, d’infertilité secondaire s’il y a eu au moins une grossesse. La stérilité est évoquée devant une impossibilité de conception ou une incapacité après toutes les explorations. Le concept culturel jouant encore un rôle très important dans la sante en Afrique et surtout l’origine de la maladie, le problème de l’infertilité revêt d’autres aspect socio-culturels. Elle est toujours considérée sous certains cieux comme une malédiction ou les conséquences de la colère d’une divinité ou encore du fait de la magie noire (sorcellerie).

I- Rappel anatomo-physiologique 

Chez l’homme, les spermatozoïdes sont produits dans les testicules et migrent ensuite au niveau de l’épididyme. L’épididyme est un organe en forme de demi-lune attaché aux testicules. C’est un réservoir qui permet la maturation des spermatozoïdes lors de leur cheminement vers le canal déférent. Ce dernier est rattaché à la prostate où les spermatozoïdes sont mélangés aux secrétions prostatiques et celles des vésicules séminales produisant ainsi le liquide séminal. Ce liquide atteint finalement l’extérieur du corps en traversant l’urètre.

II – Étiologies

Le mécanisme de production et d’acheminement du sperme étant un processus complexe, toute altération de ce processus peut entraîner une infertilité.

Différentes classifications existent en fonction de la nature du trouble. De façon schématique, on distingue :

1) Les infertilités obstructives

Elles correspondent à une obstruction siégeant sur les voies excrétrices des spermatozoïdes entre les testicules et le carrefour uro-génital

– Les anomalies congénitales :

Correspondent à l’absence de développement d’une partie plus ou moins étendue des voies excrétrices.  Parmi ces anomalies il y’a l’agénésie épididymo-déferentielle (agénésie d’une partie de l’épididyme et du déférent

– Les obstructions post infectieuses :

Surviennent à la suite d’infections génitales : uréthrite à gonocoque, uréthrite à chlamydiae, prostatites, prostato-vésiculites. La cicatrisation évolue vers l’obstruction sur le trajet du sperme. L’obstruction est souvent asymétrique. Les infections urinaires récidivantes, surtout lorsqu’elles s’accompagnent d’orchiépididymites sont également une cause d’obstruction post-infectieuse. Enfin les infections spécifiques, surtout la tuberculose uro-génitale et parfois la bilharziose peuvent également être en cause.

– Les obstructions iatrogènes :

Il s’agit surtout de lésions accidentelles du canal déférent lors de la chirurgie herniaire, plus rarement de vasectomies réalisées dans un but contraceptif. Il peut également s’agir de lésions secondaires à une chirurgie pelvienne extensive, pour cancer par exemple.

2) Les troubles de la spermatogenèse

Deux mécanismes peuvent être à l’origine d’un déficit de la spermatogenèse : un défaut de stimulation du testicule par atteinte de l’axe hypothalamo-hypophyso-testiculaire ou un état pathologique touchant primitivement le testicule.

a) Les causes endocriniennes

Elles sont secondaires à un état pathologique touchant l’hypothalamus, l’hypophyse ou l’action périphérique des androgènes.  En l’absence de gonadotrophine, le défaut de la spermatogenèse est associé à une insuffisance testiculaire endocrine qui donne une symptomatologie propre : absence de développement pubertaire chez l’enfant et hypogonadisme à l’âge adulte

– L’hypogonadisme hypogonadotrophique congénital  : Pathologie congénitale, caractérisée par l’absence de sécrétion de LHRH hypothalamique et par conséquent absence de sécrétion de gonadotrophine et absence de puberté.

– Les insuffisances hypothalamiques ou hypophysaires organiques :

Parmi les causes citons : les tumeurs hypothalamiques, les adénomes hypophysaires, l’hémochromatose et la radiothérapie de la région hypothalamo-hypophysaire. Ces causes provoquent en général une insuffisance de sécrétion de l’ensemble des hormones hypophysaires.

– Les insuffisances gonadotropes fonctionnelles :

Où il y’a une inhibition de la sécrétion de gonadotrophine. Exemple : hyperprolactinémie (inhibition sécrétion GnRH par la prolactine), hyperplasie congénitale des surrénales, apport exogènes d’androgènes (dopage).

– Déficits fonctionnels en androgènes :

l’effet des androgènes sur les testicules est altéré.

b) Les causes testiculaires

Le processus pathologique se situe, dans ces cas, au niveau du testicule lui-même, avec diminution de la production de spermatozoïdes. Les altérations « quantitatives » de la spermatogenèse représentent la majorité des infertilités avec selon l’intensité du trouble, azoospermie ou oligospermie dites sécrétoires. Parallèlement à l’oligospermie, il existe, souvent associées, des anomalies de la mobilité, de la morphologie et du pouvoir fécondant du sperme.

– Les causes génétiques :

Parmi les causes génétiques il y’a les anomalies chromosomiques surtout celles touchant les chromosomes sexuels.

– La cryptorchidie :

Correspondant à l’absence de descente d’un ou des deux testicules dans le scrotum, c’est une cause majeure d’altération de la spermatogenèse. La situation intra-abdominale du testicule entraîne une altération de la spermatogenèse (La physiopathologie exacte n’est pas connue mais implique probablement une modification de l’environnement thermique).

– La varicocèle :

Correspond à la dilatation des veines spermatiques avec un reflux. Elle s’accompagne souvent, mais pas toujours, d’une altération de la spermatogenèse dont la physiopathologie reste controversée. C’est une anomalie fréquente retrouvée chez 15 % de la population générale et 40 % des hommes infertiles. Elle est le plus souvent gauche ou bilatérale. Les indications thérapeutiques sont la douleur (plutôt une pesanteur), l’hypotrophie testiculaire et des anomalies de la spermatogenèse. Dans ce cadre le traitement de la varicocèle entraîne souvent une amélioration de la qualité du sperme.

– Lésions testiculaires : par infection virale (oreillons : orchite ourlienne), plus rarement infections à d’autres germes, traumatismes etc..

– Exposition aux gonadotoxines :

De nombreuses substances et expositions ont été impliquées dans l’induction des troubles de la spermatogenèse. Les effets de ces gonadotoxines peuvent être réversibles ou irréversibles. – médicaments : cimétidine, colchicine, lithium etc…  – chimiothérapie anticancéreuse  – radiations : radiothérapie anticancéreuse, exposition a polluants radioactifs..  – produits chimiques : solvants organiques, pesticide, rejets de l’industrie du plastique..  – métaux lourds : fabrication des batteries, imprimerie..  – exposition à la chaleur : soudeur, boulanger..  – alcool, cannabis …

Dans la majorité des cas, la cause exacte des altérations de la spermatogenèse reste inconnue, on qualifie alors ces azoospermies ou oligoasthéno(térato)spermie d’idiopathiques.

c) Les altérations extrinsèques des spermatozoïdes :

Dans ce cas des facteurs extrinsèques interviennent à la fin de la spermatogenèse et après formation de spermatozoïdes normaux et leur font subir des altérations morphologiques ou fonctionnelles. Exemple :

– Les infections du tractus génital masculin : en dehors de l’obstruction séquellaire, l’inflammation du tractus génital entraîne aussi une diminution de la mobilité des spermatozoïdes (asthénospermie) et une diminution de leur pouvoir fécondant. L’inflammation peut aussi entraîner la mort des spermatozoïdes (nécrospermie).

– L’auto-immunisation anti-spermatozoïde : Il s’agit d’une anomalie de physiopathologie mal connue ou il y’a production d’autoanticorps anti-spermatozoïdes par l’homme. Ces anticorps provoquent l’agglutination des spermatozoïdes entre eux ce qui diminue leur mobilité et leur pouvoir fécondant. Les épididymites et la vasectomie en seraient des facteurs favorisants.

3) Les troubles de l’éjaculation peuvent également être à l’origine d’une infertilité masculine. Ils s’accompagnent d’hypospermie (diminution volume du sperme) ou d’aspermie (absence de sperme). Il peut s’agir d’une : – Anéjaculation : absence d’éjaculation. Les causes en sont multiples : lésions neurologiques (lésion moelle épinière, neuropathies, chirurgie aortique, curage para-aortique..), causes psychogènes, médicaments (neuroleptiques),

– Ejaculation rétrograde : L’éjaculat passe dans la vessie et se mélange aux urines. Elle se voit surtout après chirurgie de l’adénome de prostate (endoscopique ou ouverte) mais peut être due à une neuropathie diabétique ou certains médicaments.

III – Bilan d’une infertilité masculine

1) L’interrogatoire

Très rigoureux et dresse une liste exhaustive d’antécédents, on recherche :

– une anomalie de la puberté, un trouble du coït

– des épisodes infectieux épididymo-déférentiels (viraux ou bactériens, en particulier orchite ourlienne post-pubertaire)

– des antécédents chirurgicaux : exp : cryptorchidie, hypospadias, hernie, varicocèle

– prise médicamenteuse ou toxique : exp : traitements hormonaux (androgènes, oestrogènes, gonadotrophine…), chimiothérapie, neuroleptique, tabagisme, toxicomanie, intoxication professionnelle….

– radiothérapie

– diabète

– pathologie neurologique

– anomalies de migration testiculaire

– traumatismes

– habitudes alimentaires : exp : sous ou suralimentation, éthylisme

– comportement sexuel (absence de rapport pendant la phase de fertilité de la femme)

2) L’examen clinique

Apprécie : – l’état général, vasculaire et neurologique, métabolique, nutritionnel et endocrinien – le morphotype, le poids et la taille – les caractères sexuels secondaires, l’existence d’une gynécomastie – taille, consistance, sensibilité et le volume testiculaire (18 à 25 ml), recherche de nodule, varicocèle – l’état de la verge (en particulier l’emplacement du méat) – la voie excrétrice génitale : tête, corps et queue de l’épididyme, canal déférent (recherche d’une solution de continuité, d’une agénésie). – le TR systématique recherche une anomalie des vésicules séminales et examine la prostate.

3) Les examens complémentaires 

a) Le spermogramme :

Le spermogramme est l’examen de base, il doit être répété au moins 2 fois en cas d’anomalie. Le recueil doit être complet et effectué après 2 à 3 jours d’abstinence et examiné dans les deux heures après l’émission. Les valeurs normales du spermogramme sont les suivantes : – Volume : 2 – 6 ml – Ph : 7,2 – 8,0 – Concentration des sptz : 20.106 sptz/ml ou plus – Mobilité : 50% de sptz ou plus avec une mobilité progressive ou alors 25% ayant un mouvement rapide dans l’heure suivant l’éjaculation – Morphologie : 30% de forme normale ou plus – Vitalité : 75% de sptz vivants ou plus – Leucocytes : moins de 1.106 /ml

L’étude du spermogramme permet de retrouver une azoospermie (absence de spermatozoïdes), une oligospermie (diminution du nombre), une asthénospermie (diminution de la mobilité), une tératospermie (présence de spermatozoïdes anormaux) ou une nécrospermie (présence de spermatozoïdes morts). Le tableau 1 récapitule les anomalies du spermogramme. Les deux anomalies les plus fréquentes sont l’azoospermie et l’oligoasthénotératospermie (OATS). Les anomalies isolées d’un seul paramètre sont beaucoup plus rares.

b) Les dosages hormonaux, radio-immunologiques :

– Surtout dosage de FSH plasmatique (2 à 8 UI) : il permet de différencier une azoospermie sécrétoire (taux augmenté ou diminué en fonction du siège de l’atteinte) d’une azoospermie excrétoire (taux normal). – En fonction du contexte, dosage de la LH plasmatique, de la testostérone, de la prolactinémie – Test au LH-RH pour différencier une oligoasthénospermie excrétoire (FSH normal sous LHRH) d’une oligoasthénospermie sécrétoire (FSH augmenté sous LH-RH).

c) Autres (non systématique, en fonction du contexte) :

– Etude bactériologique du sperme en cas d’infection – Echographie doppler testiculaire si varicocèle – Immunologie du sperme : recherche d’anticorps anti.

IV- Traitement

1) Traitement étiologique

En fonction de la cause : – Traitement d’un trouble endocrinien – Cure d’une varicocèle par chirurgie ou par sclérothérapie antérograde – Antibiothérapie en cas d’infection  – En cas d’azoospermie obstructive : chirurgie canalaire : surtout l’anastomose épididymodéferentielle en cas d’obstacle épididymaire (30-40 % de réussite si indication et technique correcte).

2) Techniques de Procréation Médicalement Assistée (PMA) 

– Insémination artificielle

– F – Injection intracytoplasmique de sperme : Intra Cytoplasmic Sperm Injection (ICSI)écondation In Vitro (FIV)

 

CONCLUSION

L’infertilité masculine peut être due à une multitude de facteurs étiologiques. Un interrogatoire et un examen clinique minutieux associés à un spermogramme


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